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Les sondeurs, aux avant-postes de la lutte contre la sécession ?




Au lendemain du premier tour des élections régionales de juin 2021, les commentateurs ont à nouveau pointé l’erreur des sondeurs, qui ont surestimé le vote RN de plus de 5 points (https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/06/22/regionales-2021-les-instituts-de-sondage-face-a-la-difficile-mesure-de-l-abstention_6085217_823448.html). Pour se défendre, ces derniers mettent en avant la mauvaise déclaration par les sondés de leur intention d’aller voter, parlant maintenant d’une abstention honteuse qu’il conviendrait de corriger, tout comme le vote FN a longtemps été corrigé d’une sous-déclaration.


Il y a là une bonne nouvelle : le vote du citoyen ressort de cet épisode un peu plus sacralisé. Moins que jamais, il ne peut être remplacé par un sondage, les jeux ne sont pas faits d’avance et le citoyen garde le pouvoir de faire mentir les commentateurs politiques qui pensent à sa place, ce qui peut être jubilatoire. Au passage, cela fragilise aussi les dispositifs du type de la convention citoyenne dont la représentativité est construite avec les mêmes règles que celle des sondages.


Mais il reste tout de même une mauvaise nouvelle pour le système médiatico-politique qui nous gouverne : ses outils sont vulnérables, impuissants face au retrait volontaire des non ou mal-répondants aux sondages. Et la parade des sondeurs qui se profile, le redressement, pourrait être un peu courte. Extrapoler l’opinion de non-répondants par celles de répondants, revient à nier la spécificité des non-répondants.


Les sondeurs américains ont eu ce problème avec Trump, les deux fois. La première fois ils se sont aperçus a posteriori que leurs échantillons sous représentaient les non ou peu diplômés. Une variable de contrôle (le niveau du diplôme le plus élevé obtenu) a donc été ajoutée. Mais la deuxième fois ils ont constaté que cela ne suffisait pas, et qu’il y avait une spécificité des non-répondants aux sondages. Les sondeurs américains ont d’ailleurs identifié la limite du recours au redressement, et ils orientent maintenant leurs efforts vers le recrutement au sein de populations difficiles à joindre (https://www.pewresearch.org/methods/2021/04/08/confronting-2016-and-2020-polling-limitations/).


Parce que les sondeurs font partie du système dont les non-répondants se méfient, dont ils souhaitent rester en dehors. Une proportion de plus en plus importante de citoyens préfère garder leur opinion pour la bulle protectrice que leur construisent les réseaux sociaux. Aux US, la montée du Trumpisme, mal appréciée par les sondeurs, est allée de pair avec la montée de la défiance sociale (« On ne se méfie jamais assez des autres, de ses voisins » …)(https://www.smartitude.fr/single-post/le-biais-de-non-r%C3%A9ponse-un-d%C3%A9fi-pour-les-sondeurs).


Derrière la question de la qualité des sondages, c’est en fait la cohésion de notre société et son régime de démocratie représentative qui sont en jeu. Les rustines techniques des instituts de sondage ont de toute façon toujours une élection de retard, et des limites opérationnelles. Et pire, elles peuvent créer l’illusion que des astuces techniques peuvent nous éviter de traiter le danger que représente la sécession d’une part grandissante de la société. Il y a des attitudes qui sont des marqueurs du retrait social, et maintenir les porteurs de ces attitudes dans le champ des enquêtes est la seule solution solide.

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